Changements climatiques et herbivorie : influence sur la régénération et le potentiel d'avenir des forêts mélangées
Marianne Bernard vient d'achever sa thèse de biologie de l'Université de Montpeliier en 2018 au Centre d'Ecologie Evolutive et Fonctionelle
La lecture de Christian BARTHOD
L’inquiétude au sujet du devenir des forêts tempérées de moyenne montagne va croissant, du fait du changement climatique d’une part, et des difficultés de régénération liées à la pression exercée par les grands ongulés d’autre part. Les populations d’ongulés herbivores connaissent en effet une forte augmentation depuis le milieu du XXème siècle dans l’hémisphère Nord ; et leur abroutissement sélectif, dû à leurs préférences alimentaires, exerce une forte pression sur la régénération, dont l’intensité sur les essences varie selon leur appétence.
La réponse de la régénération au changement climatique en termes de survie et de croissance demeure méconnue, mais de premiers résultats suggèrent qu’elle pourrait être encore plus affectée que les arbres adultes, et de manière différentielle également du fait des diverses autécologies des essences.
Dans ce contexte de changements globaux, le recours aux forêts mélangées est envisagé comme une option valable de minimisation des risques.
Comment caractériser la réponse de la régénération à ces deux pressions de sélection, et quel pourrait être l’avenir d’un peuplement mélangé dans ce contexte ?
Notre étude se focalise sur les effets de l’abroutissement par les grands ongulés et du changement climatique sur la régénération du sapin, du hêtre et de l’épicéa en mélange. Nous utilisons pour cela diverses approches. Nous montrons que la germination et l’installation de semis de hêtres n’est pas affectée par l’éclairement au sol plus faible en situation de mélange. Nous mettons en évidence une quasi-inversion d’essences entre sapin et épicéa au niveau de la strate de régénération, bénéficiant à l’épicéa, lorsqu’ils sont soumis à une forte pression d’abroutissement. A l’échelle des traits foliaires, nous trouvons des réponses différentes entre les trois essences aux pressions du climat et de l’abroutissement, le sapin étant le seul à exprimer une réponse claire à l’abroutissement (tissus plus résistants, augmentation du rapport C/N foliaire). Nos résultats démontrent également une diminution de l’abroutissement avec l’augmentation de la température hivernale et un effet plus important de l’abroutissement que de la température printanière sur la croissance des semis de sapin, hêtre, érable. Enfin, via une approche de modélisation, nous avons simulé la dynamique d’un peuplement mélangé de sapin, hêtre et épicéa sur une durée de 100 ans, et montré une modification des seuils de tolérance à la sécheresse par l’abroutissement, et vaildé la possible disparition du sapin dans des scénarios comprenant abroutissement et changement climatique.
Ces travaux soulignent l’influence des grands ongulés en interaction avec les conditions climatiques sur la dynamique de la régénération forestière, et l’importance de prendre cette pression en compte dans les protocoles de recherche destinés à étudier l’évolution de la régénération en contexte climatique changeant.
Les épicéas et sapins "topiaires" du massif du Schneeberg, seul le hêtre s'en sort : quelles forêts futures ?
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